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Transformer le renoncement en opportunité
Tally Richard

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Partir c’est difficile. Parfois cela ressemble à un échec, à un renoncement. Est-ce possible que ce renoncement se transforme en opportunité ? La peur de se tromper, de se retrouver seul, repousse bien souvent l’échéance. L’inconnu nous paraît terrifiant, et les tonnes de « et si » qui résonnent. Et puis l’habitude… On s’habitue à tout, on supporte tout. On finit par croire que c’est normal… Et puis c’est déjà pas si mal.  On se contente et on accepte l’inacceptable, bien des fois… trop de fois. On se rassure avec les bons côtés de la situation, même si, dans la balance, ils ne sont plus qu’un poids plume. On évite même d’aller se blottir au fond de soi, pour ne pas rencontrer cette vérité, pour faire durer encore un peu ce déni, cette mascarade… le temps de trouver le courage. Et puis vient ce matin, et puis vient cet instant… et puis, cet orage qui déchire nos chimères…

 

On se retrouve alors face à soi… Se tromper ou se retrouver, au final tel est le dilemme de partir vers l’inconnu. Est-ce le bon moment ? Est-ce la bonne décision ? Arrive le temps ou le temps n’est plus aux questions…  

 

C’est aujourd’hui que je lui ai dit. Il n’a pas eu l’air surpris. Il a juste répondu « OK », soulagé de ne pas avoir à assumer cette responsabilité.  

 

Cela fait des mois qu’il n’y a plus d’émoi, qu’il ne dort plus avec moi. Que je n’ai plus de moitié. Que sans moi il se sent entier. Qu’il s’échappe par des portes dérobées. Que j’entends, nuit après nuit, le bruissement de la porte d’entrée, et ses pas feutrés qui me laisse espérer... et puis, le claquement silencieux de la porte de sa chambre… Sans un cri je referme mes yeux sur ma nuit, sur mes rêves d’une famille unie. Sur un compagnon, un ami. 

 

Après tant d’années à bâtir. Après tant de cœur à l’ouvrage… l’irréparable outrage. Dernière escapade, ultime escale d’un voyage au bout du cœur et l’envie de voir ailleurs où il fait meilleur. Après tant d’années à bâtir… quand plus rien ne vient faire grandir, il faut savoir partir.

 

Je n’ai pas voulu mendier, alors je l’ai laissé me mépriser, m’ignorer, m’écarter de sa vie. Me refuser l’accès à son corps, à son cœur. 

 

Je l’observais se démener pour me faire culpabiliser, pour se rassurer. Pauvre humain dirigé par son ego, qui se croit au-dessus du lot, pour autant qu’il se convainc, que nous autres, pauvres humains, ne pourront jamais atteindre le sommet d’où il croit trôner. 

​

J’ai pris le temps de faire mes adieux. Le temps de me faire cet aveu… Me pardonner d’avoir tant donner pour si peu. Me retourner une dernière fois, et partir sans le moindre effroi. Mon cœur avait amassé suffisamment d’horreur. Mon âme aspirait à plus d’honneur. Alors j’ai suivi mon cœur au-delà de ma forteresse, au-delà de mes peurs, sur ces terres inconnues, et j’ai marché… 

L’amour que l’on a donné ne s’en va pas tout seul. Il prend avec lui le souvenir du premier émoi, l’envie d’être dans ses bras. Il emporte le désir d’un lendemain partagé. Et dans ce silence étourdissant, dans ce moment étrange, tout est limpide. Ce vide de lui laisse la place à plus de moi. 

 

J’inonde les morceaux de mon cœur - laissés à l’abandon, désertés par sa fuite, délaissés par sa tendresse, blessés par son indifférence - par ma vie… ma vie qui soudain me remplit. 

 

Je vois ma montagne à gravir et je sais qu’elle renferme mon pouvoir. Qu’en elle se trouve ma transformation. Que le chemin qui mène à mon cœur passe par sa traversée. Que ma voie, ma vie, se trouve au-delà de son aiguille.

            

Je reprends alors mes territoires laissés en jachère. Je les soigne. Je retire les pierres, les flèches égarés de-ci de-là. J’arrache ses mots qui ont fleuri, pleins d’épines, et je plante des graines. Je les jette, je les lance, je les éparpille en abondance, et je les sens se répandre en moi, s’enfoncer dans le terreau fertile de mon âme. Je sens mon vide se combler, mes racines s’engouffrer et s’ancrer dans le sol de ma destinée, de ma mission, de ma raison d’être.

 

J’entends les oiseaux qui nichent dans les branches qui sont sortis de ma terre et qui atteignent déjà le ciel. Ils piaillent, se chamaillent. Il n’y a pas assez de place pour tous mes rêves. Ma tête explose de tant de fertilité. L’envie et le désir m’anime de leur force créatrice. 

 

Et soudain… je vois un chemin et je l’emprunte. Je foule ce sol sacré. Je retiens ma respiration et, sur la pointe des pieds je dépose l’empreinte de mon désir. Le sol fourmille et frissonne… son essence se propage en moi et remonte lentement. Je la sens y déposer sa connaissance : l’amour ne s’en va pas tout seul. Il prend avec lui tout ce dont tu n’as plus besoin et qui ne t’appartient pas. Laisse-le s’envoler… et puis regarde, il ne te manque rien. 

 

C’est vrai, il n’y a plus rien qui ne soit à moi. Tout ce que j’ai donné et qu’il n’a pas su cueillir est toujours là, abrité du temps qui meurt, du temps qui pleure. Thésaurisation sublime, je retrouve ma liberté. Je récupère tous les invendus, tous les laissés-pour-compte, toutes mes offrandes qui n’ont pas trouvé grâce. Je romps le lien, j’invoque la clause, je parjure tous mes serments, mes promesses, mes alliances, et je reprends mes droits, ma vie, mon sang… mon cœur. Dans les rapts du cœur il n’y a pas de vainqueur. Chacun repart avec ce qu’il a su aimer. Mes bras sont chargés de tout mon amour qu’il a laissé traîner, et il part avec son maigre butin, car ses miettes je les ai dévorés.    

 

Partir ce n’est pas abandonné, c’est se retrouver. Oser se regarder, oser s’aimer, oser se respecter, oser… se pardonner. Au-delà du courage, c’est l’espoir. Au-delà de nos doutes c’est la foi en tout ce qui nous habite. Cette conviction profonde que la vie commence au-delà de nos peurs.

 

Aimer ce n’est pas un combat. C’est une quête de soi à travers l’autre. Tout ce qui est partagé nous remplit, nous uni, nous transcende. La naissance du couple peut alors éclore. Entité incarnée de deux cœurs qui unissent leur désir pour grandir, pour s’améliorer. Lorsque le partage cesse, l’accroissement s’interrompt, le désir nous quitte et la quête s’achève. Il faut alors se recentrer sur soi et renoncer à la part de l’autre. Elle ne nous appartient plus désormais. Lorsque l’un des deux n’a plus d’engagement envers l’autre, qu’il n’a plus la capacité d’accueillir ce qui est déposé dans l’enceinte sacré du couple, nous devons reprendre notre responsabilité et s’engager de nouveau envers nous-même. 

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